Plusieurs incertitudes ont pesé sur les marchés.
Retour des tensions internationales : l’Arabie Saoudite en quête de leadership
Semaine plus difficile pour les marchés financiers et le regain d’inquiétude a pris plusieurs formes. La plus importante est la situation américaine avec des doutes sur l’adoption de la réforme fiscale. Le nouveau texte présenté par le sénat prévoit de reporter d’un an la mise en place de la baisse de l’impôt. La baisse des marchés américains s’est alors propagée à l’Europe et les indices boursiers européens ont accentué leurs pertes après la déclaration de Benoit Cœuré, membre du directoire de la BCE. Ce dernier a indiqué que les marchés financiers européens n’étaient pas assez développés pour que la banque centrale puisse recourir indéfiniment à l‘assouplissement quantitatif.
Enfin, on assiste à une accentuation des tensions internationales dans la région du Proche-Orient. Ce sujet reste assez peu commenté alors qu’un nouvel embrasement de la région est possible sur fond de bataille idéologique entre l’Iran chiite et l’Arabie Saoudite sunnite. La tension est forte après la démission imposée du premier ministre libanais, Saad Hariri, devenu otage des saoudiens. Dans son discours diffusé sur la chaîne saoudienne Al-Arabiya, Saad Hariri a imputé son retrait du pouvoir à « l’ingérence » de l’Iran dans les affaires de son pays et d’autres Etats arabes, comme la Syrie et le Yémen, où la République islamique sème selon lui, « la discorde, la dévastation et la destruction ». Il a accusé aussi le Hezbollah de constituer un « Etat dans l’Etat ». C’est ce discours agressif qui donne l’impression que cette démission a été dictée par Ryad au moment où des dizaines de princes, d’entrepreneurs et de ministres étaient arrêtés au nom de la lutte contre la corruption. M Hariri pourrait être accusé de corruption car il est de nationalité saoudienne et dirige une société de BTP locale qui est en difficulté. La classe politique libanaise, Hezbollah compris, réclame désormais son retour au pays. L’Arabie saoudite, et ses deux principaux alliés dans le Golfe, le Bahreïn et les Emirats arabes unis, ont appelé leurs ressortissants se trouvant au Liban à le quitter immédiatement. Le risque est qu’après sa défaite en Syrie, l’Arabie saoudite souhaite prendre sa revanche au Liban. Il suffit de peu de chose pour que la région ne s’embrase et le Liban pourrait être une nouvelle source de conflits.
Sur la semaine écoulée, les marchés ont tous été négatifs : -2,61% pour l’Eurostoxx50, -2,49% pour le CAC 40 et -2,61% pour le DAX. Le Dow Jones affiche une baisse plus limitée à -0,50% et le Nasdaq de – 0,20%, les marchés US ont donc plutôt limité les pertes. Le NIKKEI s’est également inscrit en baisse de 0,7% sur la semaine.
Plusieurs raisons peuvent justifier une poursuite de la hausse des marchés US
Le président de la FED de San Francisco, Williams, a confirmé que la Fed devrait relever ses taux une troisième fois en décembre et trois fois en 2018 pour atteindre un taux effectif de 2,5%. Dans le domaine économique, l’indice du Michigan de la confiance des consommateurs se maintient à un niveau historiquement élevé. Les ménages américains tablent sur une accélération des pressions inflationnistes alors que la situation sur le marché de l’emploi est de plus en plus tendue. Cela donne des arguments supplémentaires à la poursuite du resserrement monétaire de la Fed en 2018. L’événement majeur de la semaine a concerné le voyage de Donald Trump en Asie. Ce dernier a eu des propos beaucoup plus modérés pour parler à ses interlocuteurs. A Tokyo, il a indiqué que les échanges avec le Japon n’étaient pas équitables et que par exemple ce pays n’importait aucune voiture en provenance des US. Il a demandé au Premier Ministre japonais d’acheter des équipements militaires américains pour se protéger de son voisin encombrant de la Corée du Nord. En Chine, il a indiqué que son homologue chinois, Xi Jinping et lui s’étaient engagés à la dénucléarisation totale de la Corée du Nord. Le Secrétaire américain au Commerce, Wilbur Ross, a enfin confirmé la signature d’accords commerciaux avec Pékin pour 250Md$.
Dans le domaine des résultats des entreprises, on notera que la saison des résultats d’entreprises touche à sa fin et que sur les 440 sociétés du S&P à avoir publié, 76% ont surpris positivement. Les bénéfices sont désormais attendus en hausse de 8% sur le T3 (vs +5,9% attendu début octobre). Ceci peut expliquer la poursuite de la hausse des marchés financiers américains. Un levier supplémentaire existe avec la baisse des impôts qui va mathématiquement accentuer les bénéfices des entreprises américaines, cet effet positif pourrait être de l’ordre de 6%. S’il y a hausse des profits nets des entreprises américaines grâce à la baisse du taux d’imposition des profits, on doit s’interroger sur l’usage qui sera fait de cette amélioration des résultats. D’un point de vue théorique, les entreprises ont plusieurs possibilités : une hausse des investissements ou un retour aux actionnaires par le biais de dividendes ou de rachat d’actions. La hausse de l’investissement semble peu probable en raison du montant déjà élevé de l’investissement et du niveau bas du taux d’utilisation des capacités qui confère une marge de manoeuvre aux entreprises pour répondre à la demande sans augmenter les investissements. Ainsi, une nouvelle raison de la hausse des marchés pourrait venir de l’utilisation de ces profits supplémentaires pour racheter des actions, ce qui va permettre d’améliorer la rentabilité financière des entreprises.
En conclusion, la baisse de la taxation des profits aux Etats-Unis ne devrait pas conduire à une hausse de l’investissement ou de la croissance mais elle va soutenir le marché des actions américaines.
Europe : Saison des publications mitigée
La Commission européenne a relevé ses prévisions de croissance pour la zone euro comme pour l‘ensemble de l‘Union européenne (2,2% pour 2017 contre 1,7% estimé en mai) mais s‘attend à un ralentissement de l‘activité en 2018 (+2,1%) et en 2019 à +1,9%. En Europe, les publications des résultats des entreprises ne sont pas aussi favorables qu’aux Etats-Unis. Sur les 267 sociétés du Stoxx 600 à avoir publié leurs résultats, 55% ont surpris positivement. Sur le plan macroéconomique, l’Europe affiche de bons chiffres accréditant l’accélération de la croissance au sein de la zone euro. Le PMI composite est ressorti à 56 en octobre légèrement au-dessus des attentes, l’indice Sentix de la confiance des investisseurs pour novembre est en nette hausse à 34pts (vs 29,7 en octobre) et les ventes au détail en septembre ont progressé de 0,7%. Les signaux sont donc au vert et devraient soutenir une nouvelle dynamique haussière des marchés financiers. En fin de semaine, nous avons assisté à une baisse des valeurs cycliques, surtout celles exposées à la demande américaine. Le secteur pétrolier a été aussi en baisse avec des prises de profit suite au rebond des deux dernières semaines. Les dirigeants de la BCE continuent à sensibiliser le marché sur le devenir de la politique monétaire après septembre 2018. A cette date, celle-ci devrait mettre un terme à son programme d’achat d’actifs. Mais les conditions de l’arrêt sont sujettes à discussion surtout après que plusieurs membres n’évoquent la possibilité de réduire graduellement les achats entre septembre et décembre 2018. L’objectif pour la BCE restera d’ancrer dans l’esprit des investisseurs que la première hausse des taux directeurs n’aura pas lieu avant l’année 2019. La BCE cherche à rassurer les marchés financiers dans l’hypothèse où la situation économique serait un peu plus difficile et ceci pourrait être une hypothèse de travail pour l’année 2019.
Les fondamentaux purement économiques sont favorables : est-ce suffisant ?
La baisse de la semaine dernière est-elle annonciatrice d’une chute supplémentaire des marchés financiers ? Pour répondre favorablement à cette question, il faut en trouver le principal catalyseur. Du point de vue économique, l’alignement des planètes reste favorable puisqu’en Europe, la croissance est dans une dynamique haussière et aux Etats-Unis, le ralentissement que l’on commence à percevoir pourrait être atténué par les mesures fiscales très positives. Reste évidemment la question internationale et la situation en Arabie Saoudite qui nous semble en ce moment particulièrement grave surtout si une alliance Arabie Saoudite, Trump et Israël se mettait en marche pour contrer les velléités iraniennes. C’est cette évolution qu’il faudra regarder de plus près cette semaine.
Lettre hebdomadaire n°6, lundi 13 novembre 2017 Jean-Noël VIEILLE- Chief Economist HPC membre du Groupe OTCex
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