Mise en place progressive des mesures protectionnistes
Au risque de se répéter, le deuxième semestre 2018 risque de s’inscrire dans la continuité du premier semestre pour ce qui est de l’évolution des marchés financiers. La visibilité est faible ce qui est propice à un retour de la volatilité. D’un côté les données économiques sont favorables et ont de quoi faire revenir les investisseurs vers les actifs risqués et de l’autre, l’imprévisibilité de Trump et son biais essentiellement politique ainsi que les nombreuses incertitudes européennes les conduit à adopter des politiques d’investissement prudentes. Se prononcer dans ce contexte sur les perspectives de cet été relève alors de l’exploit. Il existe pourtant de sérieuses raisons pour retrouver une tendance haussière si l’analyse fondamentale l’emporte. Ainsi aux Etats-Unis, on notera la semaine dernière les bons chiffres de la confiance des directeurs d’achat sur juin. L’indice ISM remonte au-dessus de 60 points dans le secteur manufacturier et à 59,1 dans le secteur des services. La croissance économique au T2 aux US pourrait ainsi atteindre +4,1%. Cela constitue un élément favorable majeur pour la formation des résultats du deuxième trimestre des entreprises. Dans un contexte à la fois de croissance et de hausse des prix, les marges des sociétés qui vont être bientôt publiées devraient être bonnes. Notons toutefois que les commentaires des entreprises sont de plus en plus négatifs sur les effets du protectionnisme. Aucune accalmie n’est visible sur ce dernier point, au contraire Trump pourrait désormais attaquer l’Europe sur les importations d’automobiles. Mais la Commission aurait averti le Département du Commerce que l’Europe serait prête à taxer jusqu’à 200 Md$ de produits US en cas d’instauration de droits de douane sur les voitures.
La semaine a été marquée par des marchés en reprise en Europe et aux Etats-Unis : +1,56% pour l’Eurostoxx50, +0.98% pour le CAC 40 et +1,55% pour le DAX. Le Dow Jones affiche une progression de +0,76% et le Nasdaq de +2,37%. Enfin, le Nikkei a l’opposé a poursuivi sa baisse à -2,32%.
Entrée en vigueur des taxes entre la Chine et les Etats-Unis
En ce qui concerne la mise en place des mesures protectionnistes, la semaine dernière a été marquée par l’entrée en vigueur le 6 juillet des sanctions américaines et chinoises sur 34 Md$ de biens échangés de part et d’autre. Trump axe désormais ses attaques contre la Chine puisqu’il envisage de taxer 16 Md$ d’autre produits importés courant juillet. Ce dernier a d’ailleurs indiqué que 500 Md$ de produits chinois pourraient être taxés à 10%. Cette escalade peut se justifier côté US car beaucoup d’entreprises et d’économistes jugent le déséquilibre commercial avec la Chine anormal. En 2017, les importations américaines ont porté sur 506 Md$ en provenance de Chine, 314 Md$ du Mexique et 300 Md$ du Canada, pour un déficit respectif avec ces pays de 351, 108 et 64 Md$. Concernant la confrontation avec l’Europe, les discussions sont un peu plus ouvertes. L’Europe cherche à ce que les sanctions américaines vis-à-vis des constructeurs automobiles européens ne soient pas mises en œuvre, Angela Merkel ayant proposé que l’Europe réduise ses propres barrières tarifaires. Ces discussions délicates ont un peu pesé sur le secteur automobile européen en fin de semaine.
Une économie US toujours dynamique
Les indicateurs ISM publiés la semaine dernière confirment la solidité de l’activité aux Etats-Unis. D’après les statistiques, la main d’œuvre se raréfie et les entreprises vont devoir augmenter les rémunérations au cours des prochains trimestres pour répondre à la hausse des capacités de production. Il y a eu ainsi encore 213 000 créations d’emplois en juin après un chiffre révisé à 244 000 en mai. Paradoxalement, le taux de chômage est remonté à 4% contre 3,8% et il se situe à 7,6%, au sens plus large, en intégrant les travailleurs à temps partiels et les personnes découragées. Nous assistons aux Etats-Unis à une remontée du taux de participation à 62,9% contre 62,7% en raison du retour d’une partie de la population sur le marché du travail. On constate aussi en mai une croissance des salaires de +2,7%, confirmant la nécessité pour les entreprises de passer des hausses de prix. Ainsi va se confirmer l’atteinte, voire le dépassement de la cible de la hausse de l’inflation à plus de 2% aux Etats-Unis. Ceci va « ancrer » auprès des investisseurs que la FED va poursuivre son resserrement monétaire avec deux nouvelles hausses de taux d’ici la fin de l’année. Le seul risque qui serait de nature à modifier cette réorientation de la politique monétaire serait l’ampleur des effets négatifs des mesures protectionnistes. Cette intervention de la FED doit donc avoir pour effet une pentification de la courbe des taux et une remontée progressive du dollar surtout si la BCE maintient sa politique accommodante jusqu’à fin 2019.
La BCE prépare les investisseurs à l’arrêt des achats d’actifs
Plusieurs personnalités européennes ont confirmé la stratégie de la BCE présentée lors de sa dernière réunion de juin (sortie des achats d’actifs d’ici la fin de l’année et stabilité des taux directeurs jusqu’à l’été, voire l’automne 2019). Peter Praet, Chief Economist de la BCE a déclaré mardi 3 juillet sa confiance dans la progression de l’inflation vers la cible de 2%. Il considère en effet que l’économie européenne reste très bien orientée dans un contexte de baisse des taux souverains des pays « cœurs ». Ces taux toujours très bas font que le resserrement à venir très progressif ne devrait pas peser sur les conditions de financement de l’économie européenne. Ainsi, les dernières statistiques économiques sont favorables : rebond de la production et des commandes industrielles allemandes en mai et l’indice PMI composite final de la zone euro en juin est ressorti en hausse par rapport au mois de mai (54,9 vs 54,1) grâce à la composante des nouvelles commandes et de l’emploi.
Côté politique, il y a un peu de mieux en Italie puisque le nouveau gouvernement vient de réitérer son adhésion à une orthodoxie budgétaire tout en recherchant à accroître la hausse du PIB. Le ministre de l’économie a aussi confirmé que le revenu universel et la baisse de la fiscalité seront dans le budget 2019. En Allemagne, Angela Merkel maintient sa coalition avec le CSU et le SPD, en acceptant de renoncer à sa politique migratoire très critiquée en interne. Enfin, le Royaume-Uni va traverser une phase politique et économique difficile avec la démission ce dimanche du ministre en charge du Brexit, David Davis. Partisan d’une sortie « dure » de l’Europe et jugeant T May beaucoup trop laxiste, ce départ pourrait entraîner la chute du gouvernement britannique.
Après les banques centrales, retour sur les résultats des entreprises
Les entreprises, surtout aux Etats-Unis, vont commencer à publier leurs résultats semestriels cette semaine, ainsi que leurs prévisions annuelles 2018. Nous devrions obtenir des commentaires plus précis sur les effets attendus de la mise en place des mesures protectionnistes sur leurs résultats. Avec l’adoption de la réforme fiscale de Trump, les entreprises américaines ont eu la possibilité d’augmenter leurs dividendes et aussi les rachats d’actions, de même que les investissements.
Les publications vont débuter avec les résultats des banques : JPMorgan Chase, Wells Fargo et Citigroup vendredi. Plus de 200 entreprises du S&P-500 communiqueront leurs résultats trimestriels au cours des deux semaines suivantes. La croissance des bénéfices au deuxième trimestre est attendue selon le consensus de Bloomberg à +13,4%, soit une forte progression avant une tendance plus modérée sur le deuxième semestre. Ces performances pourraient aussi être contrariées par les prévisions pour les trimestres à venir et par l’impact potentiel des droits de douane.
En Europe, la croissance des bénéfices attendus pour l’Eurostoxx 50 est plus faible à +3,95% toujours selon Bloomberg. La récente baisse des marchés fait que les mauvaises nouvelles sont intégrées dans les valorisations boursières et on pourrait donc assister à une hausse des marchés dans l’hypothèse où beaucoup d’entreprises batteraient les prévisions. Les niveaux de valorisation retrouvent en effet une certaine attractivité. En conséquence, il ne faut pas totalement désepérer de l’évolution des marchés financiers cet été, à condition que le Président américain prenne des vacances méritées ou non !
Source : Lettre hebdomadaire n°35, lundi 9 juillet 2018 Jean-Noël VIEILLE – Chief Economist HPC membre du Groupe OTCex
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