Forte remontée du risque politique
Le disque est rayé : retour de quelques vieux démons
Alors que ces dernières semaines avaient donné un sentiment d’accalmie sur les questions politiques (pacification entre les Etats-Unis et la Chine sur le plan commercial et avec la Corée du Nord sur le plan politique, situation européenne sans grands enjeux, .. ), la fin de semaine a livré une orientation contraire et les marchés ont reculé de façon sensible. La situation devient plus difficile sur le plan européen en Espagne et en Italie. Au niveau économique, les chiffres montrent des premiers signes d’essoufflement en Europe. Nous reviendrons sur la hausse du pétrole qui pourrait être un élément contrariant pour la dynamique de croissance avec un impact positif sur l’inflation. Délivrées du problème lié à l’atteinte des objectifs en matière d’inflation (objectif à +2%), les banques centrales pourraient alors remonter leurs taux de façon plus rapide mais dans un contexte économique moins favorable. Difficile alors de ne pas envisager une réaction négative de l’évolution des actifs risqués puisque les valorisations fondamentales vont baisser. En dehors de la question italienne qui inquiète (d’où la baisse de l’euro de 1% cette semaine !), l’Espagne est revenue au-devant de l’actualité. Le budget est passé de justesse avec une hausse des dépenses publiques mais le gouvernement est soumis à une motion de défiance après la condamnation pour corruption de nombreux cadres du parti de M Rajoy. En cas de vote favorable, des élections anticipées pourraient avoir lieu ce qui profitera au parti Cuidadanos en tête dans les sondages. Ces éléments ont pesé sur la Bourse espagnole et ont fait progresser les taux long terme. Les effets sur les taux sont toujours identiques dans pareil cas : baisse des taux souverains à 10 ans des pays cœurs (Allemagne : -8 pb et 0,39%; France : -5 pb et 0,70%), vers des niveaux proches des points bas de fin 2017 autour de 0,30% et 0,60%. A l’inverse, les taux souverains des pays périphériques se sont écartés (Italie : +11 pb et 2,50% ; Espagne : +9 pb et 1,47%). La semaine a ainsi été marquée par des marchés baissiers un peu partout dans le monde hors US : – 1,63% pour l’Eurostoxx50, -1,28% pour le CAC 40 et -1,07% pour le DAX. Les marchés américains ont enregistré des mouvements inverses, le Dow Jones affiche une petite progression de +0,15% et le Nasdaq de +1,08%. Enfin, le Nikkei a baissé de -2,09%.
Risque pour la croissance, un baril de pétrole qui reste à haut niveau
La hausse du prix du pétrole pourrait perturber l’évolution de l’économie mondiale en cette fin d’année. Le baril de brent est passé en moins d’un an de 45 à 80$. Cela a un impact négatif sur le pouvoir d’achat des ménages européens et ferait progresser l’inflation de 0,4%. La demande mondiale augmente beaucoup plus vite que la production. En 2016, les pays de l’OPEP, Arabie saoudite en tête, et la Russie ont décidé de réduire leurs quotas pour contrer les pétroliers américains. Plus récemment, la remontée s’est accélérée suite au retrait des Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien et aux difficultés politiques et économiques du Venezuela (chute de la moitié de sa production sur un an). Des sanctions contre Téhéran risquent encore de peser sur l’offre mondiale de pétrole. Cette hausse des prix est favorable à l’industrie pétrolière mais pèse sur la consommation des ménages. En France, il y a eu en plus une réévaluation de la fiscalité sur les carburants en début d’année. L’augmentation de la contribution climat énergie (CCE) et l’alignement de la taxation du diesel sur celle de l’essence ont renchéri le litre de gazole de 7,6 centimes depuis janvier. Ainsi sur 2018, avec une stabilisation du pétrole à un haut niveau, c’est l’évolution de la consommation qui va être touchée et les marges des entreprises dans les secteurs les plus exposés (transport, chimie, automobile, …). L’armateur danois Maersk vient d’annoncer des hausses de prix pour répercuter la remontée du Brent. Tout va maintenant dépendre de la position de l’OPEP qui se réunit fin juin. Moscou et Riyad ont évoqué la possibilité de relancer leur production pour rééquilibrer le marché mais les deux pays pourraient se satisfaire d’un baril à 80$.
Le dernier cycle économique a été favorisé par le triptyque, taux d’intérêt favorable, prix des matières premières faibles et faiblesse de l’euro. Il faut reconnaître que la dynamique de ces trois déterminants est en train de s’inverser au détriment de la valorisation des actifs risqués.
La Fed est prête à agir vite, la BCE sera toujours plus prudente
Les indices d’activité PMI provisoires en zone euro ont déçu les attentes (54,1 en mai vs 55,1) et marquent un 4ème mois consécutif de baisse avec le niveau le plus faible depuis 18 mois. Ceci tend à confirmer une croissance moins soutenue pour la zone euro avec une demande adressée aux entreprises en baisse. Le ralentissement des indices de conjoncture s’explique par l’impact négatif de la hausse de l’euro qui a freiné les activités exportatrices. Les indicateurs qui restent favorables sont ceux de l’emploi avec une pénurie de main d’œuvre dans certains secteurs. Pour la BCE, la dynamique de croissance est essentielle puisque la croissance permet de faire baisser le chômage et croître les salaires en faisant augmenter la « la bonne » inflation comparée à celle issue de la hausse des matières premières. La publication des minutes de la réunion du 26 avril confirme les craintes accrues des membres quant au ralentissement du premier trimestre. Le problème se complexifie avec la difficulté à mesurer les effets négatifs des mesures protectionnistes décidées par Trump et les effets de la nouvelle politique économique italienne. Ces éléments pourraient retarder la sortie de la politique accommodante de la BCE. La publication cette semaine du taux de chômage en zone euro pour le mois d’avril sera suivie alors avec attention.
Aux Etats-Unis, les minutes de la dernière réunion de la FED n’ont pas donné d’éléments nouveaux. La croissance reste forte et l’inflation se redresse. Cette tendance devrait se prolonger au cours des prochains trimestres, d’où la remontée des taux directeurs. La prochaine hausse aura lieu en juin. La zone d’incertitude réside dans la possibilité d’accélérer le rythme des hausses en passant à 4 en 2018. Cela va dépendre des nouvelles prévisions de croissance, d’inflation, de chômage que les membres du FOMC vont délivrer lors de la prochaine réunion. La FED va ainsi livrer son sentiment sur l’impact des mesures fiscales et sur les mesures protectionnistes décidées par Trump. Dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, il est très difficile d’avoir une vision stable de la politique de Trump, la question se pose aujourd’hui sur la situation de l’industrie automobile soumise aussi à d’éventuelles taxes. En conclusion, l’environnement économique demeure favorable aux États-Unis avec une accélération de la croissance au T1. L’avenir est plus incertain mais l’amélioration du marché du travail devrait conduire à la hausse de l’inflation, d’où selon notre scénario une quatrième hausse de taux en 2018 et une appréciation de dollar et des taux souverains.
L’Italie pèse sur les marchés, retour à une certaine prudence
L’Italie n’a plus de chef de gouvernement, Giuseppe Conte, marionnette de la Ligue et du parti 5 Etoiles a abandonné suite au rejet du ministre des finances prévu (81 ans et eurosceptique !). Ces deux formations proposaient de renégocier les traités européens pour mettre en place un programme économique fait de baisses d’impôts et de nouvelles dépenses pour 100 Md€, ce qui va faire gonfler le déficit au-delà de la limite de 3 % du PIB en portant la dette publique à plus de 140% du PIB. Reviennent alors les risques de crise des dettes souveraines européennes et l’envolée des taux d’emprunt des pays périphériques. Moody’s a placé la note de la dette italienne sous surveillance avec implication négative, estimant que les promesses de la coalition fragilisaient les finances publiques, 36% de la dette étant détenue par les investisseurs étrangers, d’où un réel risque haussier si ces derniers vendent cette dette. L’Italie s’achemine très certainement vers de nouvelles élections à l’automne.
En conclusion, le risque politique va subsister en zone euro en raison notamment de la situation politique italienne. Des risques de contagion existent pour les autres pays périphériques. Dans ce contexte, il faut être prudent sur les indices actions européens à court terme, surtout après une hausse récente très significative. Les secteurs financiers doivent être évités et une allocation d’actifs dans des secteurs plus défensifs est plus judicieuse. La volatilité devrait augmenter sachant que les facteurs politiques sont évidemment très difficiles à appréhender.
Source : Lettre hebdomadaire n°29, lundi 28 mai 2018 Jean-Noël VIEILLE – Chief Economist HPC membre du Groupe OTCex
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