Duel surréaliste entre les Etats-Unis et la Corée du Nord
Provocations nord-coréennes et glissement progressif du leadership de Trump !
Nous pourrions commencer cette note par un message particulier pour les joueurs de football luxembourgeois qui ont réussi hier soir à tenir tête à leurs homologues français pourtant apparemment plus solvables financièrement (il faut remonter au début du siècle dernier pour retrouver un résultat de cet ordre), mais c’est un autre jeu plus dangereux qui intéresse aujourd’hui les marchés, le duel surréaliste entre les Etats-Unis et la Corée du Nord. La personnalité complexe des deux présidents inquiète l’ensemble de la planète puisque l’éventuelle utilisation de l’arme nucléaire est en cause. Alors que les marchés semblaient retrouver en cette fin de semaine une dynamique haussière confirmant les bonnes tendances économiques, ce sont les agissements de Kim Jong-un qui perturbent les marchés financiers. La montée des incertitudes se traduit par une sortie des investisseurs des actifs à risques, d’autant que ces derniers ne présentent pas actuellement de signes de sous-valorisation.
Kim Jong-un a indiqué que les missiles balistiques intercontinentaux pouvaient désormais transporter une bombe H. Les présidents chinois et russes ont appelé à une réponse diplomatique après avoir condamné ce nouvel essai et les Etats-Unis pourraient mettre en place un éventuel embargo sur tous les partenaires commerciaux de la Corée du Nord. Selon la Corée du Sud, la bombe utilisée serait 5 à 6 fois plus puissante que celle testée en septembre 2016. La Corée du Nord est en passe de réussir son pari en se dotant d’une capacité de dissuasion, qui va rendre très difficile une intervention militaire extérieure contre le régime. Une partie de la presse sud-coréenne appelle son gouvernement à se doter de l’arme nucléaire, alors qu’un accord avec les Etats-Unis interdit cette hypothèse. Evidemment, il faut voir dans les agissements de Kim Jong-un d’abord une provocation d’autant plus facile que Trump devient un président tous les jours un peu plus affaibli. Il joue aussi sur une certaine bienveillance de la Chine et de la Russie, peu mécontent de voir Trump fragilisé. Même si ce conflit risque d’accroître la volatilité des marchés, nous ne croyons pas à une escalade à court terme.
Sur la dernière semaine, les marchés se sont légèrement redressés : +0,64% pour l’Eurostoxx50, +0,37% pour le CAC 40 et -0,21% pour le DAX. Le Dow Jones affiche une hausse de +0,80% et le Nasdaq de +2,71%. Le NIKKEI a connu aussi une hausse à +1,23%.
En dépit d’une inefficience politique, l’économie américaine s’améliore
A ce contexte géopolitique difficile pour les Etats-Unis s’ajoutent les effets de l’ouragan Harvey. On estime qu’il pourrait coûter 20 Md$ au secteur pétrolier (Arkema est touché du côté français) et entre 30 et 100 Md$ à l’économie américaine. La moitié de la capacité américaine de raffinage de pétrole se trouve paralysée et près d’1/4 de la production de pétrole du pays a été interrompue. Ceci devrait alors soutenir la progression du prix du baril de pétrole à court terme. Du fait des dégâts causés, le marché financier spécule aussi sur le fait que la catastrophe pourrait permettre de trouver un accord d’urgence sur le plafond de la dette US. Steve Mnuchin, secrétaire américain au Trésor, a aussi indiqué que le gouvernement avait un plan détaillé de réforme fiscale qu’il compte faire adopter avant la fin de l’année (abaissement de l’impôt sur les sociétés de 35% à 15%).
En fin de semaine, les publications macro-économiques ont été assez divergentes : chiffres décevants de l’emploi pour le mois d’août (156k créations d’emplois agricoles vs 180k est, taux de chômage de 4,4% vs 4,3% est.) et plus favorables avec la hausse du PIB au T2 (+3.0% vs +2,7% est.), du PMI manufacturier d’août (52,8, vs 52,5 est.) et surtout l’ISM manufacturier d’août (58,8 vs 56,5 est) est un signe très favorable qui témoigne de la solidité de l’économie américaine. Nous devrions assister à une nouvelle accélération de la croissance au T3 2017. Ceci n’empêche pas néanmoins les marchés de n’anticiper qu’une hausse des taux US en juin 2018 (cf. inflation faible de 0,1% en juillet). Ceci explique d’ailleurs assez largement les raisons de la très forte baisse du dollar depuis l’été puisque la parité euro/dollar a dépassé 1,20 la semaine dernière.
Une Europe politiquement stable et économiquement dynamique
Le président de la BCE a expliqué que la politique monétaire accommodante de la BCE était un succès et que la reprise économique s’installait en zone euro même s’il « faudra encore du temps pour que l’inflation atteigne son objectif ». Moody’s a ainsi relevé les prévisions de croissance du PIB de la zone euro (+2,1% en 2017 et +1,9% en 2018 vs +1,7% en 2016). La zone euro connait aussi une accélération de l’activité manufacturière (57,4 vs 56,6 en juillet) et des commandes à l’exportation d’août en hausse (58,5 vs 56,8) et ceci en dépit de la hausse de l’euro sur ce trimestre. Malgré ces éléments, l’inflation a toujours du mal à évoluer en hausse puisqu’elle se situe en août en très légère augmentation à +1,5%. Désormais toute la question sera de savoir si la croissance pourra continuer à se maintenir à un relativement haut niveau en 2018 et 2019 dans un contexte haussier de l’euro. Ceci pourrait nécessiter le maintien de cette politique monétaire très accommodante. Plusieurs membres du comité de politique monétaire s’inquiètent de la hausse de l’euro et de ses conséquences sur l’activité à terme. La logique voudrait donc que lors de la prochaine réunion de la BCE, Mario Draghi tente de faire baisser l’euro pour qu’il retrouve une certaine marge de manœuvre afin de poursuivre la stratégie annoncée de diminution des rachats d’actifs. Selon les travaux de la BCE, une appréciation de l’euro de 10% face au dollar pourrait conduire à retirer entre 20 et 40 pb au taux d’inflation sur un horizon de 2 ans compte tenu de la baisse des prix des produits importés. Ceci pourrait réduire l’inflation en 2018 dans la fourchette [1%-1,2%] et en 2019 à [1,3%-1,5%] soit un niveau bien trop faible pour envisager une hausse des taux directeurs avant 2019.
Concernant l’emploi, le chômage en zone euro s’est stabilisé en juillet à 9,1%. Le taux de chômage intégrant aussi les travailleurs à temps partiel subi et ceux qui cessent de chercher un emploi, reste supérieur à 17%. Ceci empêche la hausse des salaires comme on peut le constater dans la stabilité depuis 3 mois des prix dans les services. La BCE devrait donc revoir ses projections d’inflation à la baisse. Les taux souverains européens devraient aussi dans ce contexte reprendre leur chemin haussier après la baisse liée aux récentes tensions géopolitiques.
D’un point de vue politique, deux échéances importantes sont à venir, l’élection allemande dans 3 semaines et plus tard le referendum sur la Catalogne. Côté allemand, le résultat ne fait plus beaucoup de doutes, Angela Merkel dispose d’une très forte avance dans les sondages, (proche de 40% des intentions de vote) alors que le principal concurrent socialiste, Martin Schulz ne disposerait que de 25% des intentions. Le nouvel enjeu sera alors l’approfondissement de l’intégration européenne avec la création d’un fonds monétaire européen et d’un poste de ministre des Finances de la zone euro. Des avancées institutionnelles franco-allemandes sont donc probables dès 2018.
La géopolitique, ennemi de la progression des marchés.
La progression des indices actions européens de la semaine dernière s’est réalisée par des arbitrages en faveur des secteurs cycliques puisque ces derniers vont bénéficier de la reprise économique et des bons chiffres de l’activité chinoise. On remarque ainsi une hausse marquée des secteurs « basic ressources » (groupe miniers, exploitation de matières premières) et construction. Nous avons ainsi rencontré Eiffage qui confirme une bonne tendance de l’activité en particulier dans les infrastructures. On constate aussi une bonne dynamique de secteur automobile qui profite d’un marché européen dynamique.
En conclusion, nous assistons toujours à la publication d’assez bons chiffres économiques en Europe et aux Etats-Unis avec néanmoins une inflation qui reste assez modérée. Cette situation plutôt favorable devrait se poursuivre sur ce deuxième semestre sachant qu’il faudra être vigilant en Europe car la hausse de l’euro pourrait contraindre cette dynamique haussière. Dans ce contexte, les banques centrales vont continuer à mener des politiques monétaires accommodantes. Ces éléments sont de nature à ce que les investisseurs continuent à privilégier des actifs à risques surtout en Europe. Seule zone d’ombre pour l’instant qui a pénalisé les marchés durant cet été, la donne géopolitique. Même s’il est difficile d’en mesurer les risques exacts, ceci n’est pas favorable pour les marchés et cela va maintenir les marchés sous pression et sous volatilité élevée.
Source : Lettre hebdomadaire 360 Hixance am n°246, lundi 4 septembre 2017 – Jean-Noël VIELLE – Directeur de la gestion