Des statistiques américaines peu rassurantes sauf l’emploi !
Après un début de semaine difficile, les bourses mondiales ont retrouvé une dynamique haussière au cours des deux derniers jours, surtout vendredi après la bonne tenue des chiffres de l’emploi et du chômage aux Etats-Unis. Ce dernier tombe à son plus bas niveau depuis 50 ans à 3,5%. Ces hausses ne permettent néanmoins pas d’annuler le mouvement baissier du début de semaine dû aux craintes d’un ralentissement économique prononcé. Cette volatilité se justifie car les récentes données économiques sont assez disparates et ne donnent pas une grande visibilité sur le moyen terme.
Tout au long de la semaine, les chiffres ont été décevants et inférieurs aux attentes : l’indice d’activité industrielle est au plus bas depuis plus de dix ans et la croissance dans les services revient au niveau de 2016. Seul le dernier chiffre de créations d’emplois a été jugé favorable, l’économie américaine a créé 136.000 emplois en septembre après 168.000 (révisé) en août, un chiffre légèrement inférieur au consensus qui en attendait 145.000. Ces créations sont aussi inférieures à la moyenne des 161.000 enregistrée depuis le début 2019 mais dépasse les 100.000 postes par mois nécessaires pour absorber la croissance de la population en âge de travailler. Le salaire horaire moyen est resté inchangé, ramenant sa progression sur un an à 2,9%. Le consommateur américain a remarquablement bien résisté ce qui peut s’expliquer par des achats de précaution pour se prémunir des hausses liées aux dernières augmentations des tarifs commerciaux. Ces dépenses ont été financées par une croissance du crédit et par une réduction du taux d’épargne des particuliers. Si ce scénario est juste, alors les chiffres de croissance du dernier trimestre ne seront pas bons aux Etats-Unis. Le logement, principal indicateur de l’ensemble de l’économie, est d’ailleurs en contraction depuis six trimestres consécutifs. Le rendement des bonds du Trésor a peu changé, signifiant que les investisseurs restent inquiets au sujet de l’économie américaine. Le rendement de l’emprunt à dix ans s’établit à 1,5221%. Dans un discours très bref ce vendredi le Président de la Fed Jerome Powell a indiqué que l’économie américaine était en situation favorable mais que des risques subsistent. Il s’est félicité de la tenue de l’inflation désormais proche des objectifs de la FED à 2%. Manifestement ce sont les chiffres de l’emploi qui éloignent les perspectives d’une récession prochaine et rassurent les marchés. Ces derniers attendent une nouvelle baisse des taux de la FED lors de sa réunion de la fin octobre. Le dollar a cédé du terrain en fin de semaine, les inquiétudes liées à la situation politique aux Etats-Unis et au conflit commercial avec la Chine pesant toujours sur sa valorisation.
En conclusion, les marchés sont influencés par deux forces opposées, d’abord la crainte d’un ralentissement macroéconomique, voire d’une récession qui pénaliserait les bénéfices des entreprises, et de l’autre, les mauvaises statistiques sont analysées positivement puisque cela va contraindre les banques centrales à agir.
Sur la semaine, l’ensemble des places boursières a évolué de façon négative. L’Eurostoxx50 a baissé de -2,8%, le CAC de -2,7% et le DAX à -2,80%. Le Dow Jones affiche également une baisse de -0,9% alors que le Nasdaq s’est apprécié de +0,5%. Enfin, le Nikkei a reculé de -1,59%.
Après la Chine, Trump veut frapper l’Europe
Les investisseurs sont restés attentifs aux derniers développements relatifs à la guerre commerciale. Les tensions entre l’Europe et les Etats-Unis ont repris mercredi lorsque Washington a annoncé vouloir taxer 7,5 Md$ de produits européens de tarifs douaniers, après avoir reçu le feu vert de l’OMC dans le cadre de la bataille juridique entre Boeing et Airbus qui dure depuis 15 ans. L’UE a promis de riposter aux sanctions américaines sur les produits européens, espérant parvenir à un accord à l’amiable avec Washington afin d’éviter l’escalade d’une guerre commerciale néfaste des deux côtés de l’Atlantique. L’effet sur les marchés à été assez mesuré car les intervenants craignaient des montants plus élevés. Pernod Ricard et Remy Cointreau ont fortement progressé car les spiritueux ne sont pas concernés par ces hausses de taxes. En dépit de la décision de l’OMC défavorable à Airbus, le titre a aussi progressé car seuls les avions de ligne assemblés à Toulouse ou Hambourg sont frappés par les sanctions douanières américaines, qui ne touchent en outre pas les pièces détachées.
Sur un autre plan, le compromis du Premier ministre britannique Boris Johnson sur le Brexit s’est heurté jeudi au scepticisme grandissant de l’Irlande et de ses alliés européens, renforçant les craintes d’un divorce sans accord dans quatre semaines. Notre sentiment sur cette question est toujours le même, cette sortie parait impossible et il faudra de nouvelles élections législatives en décembre et certainement un nouveau referendum. Des enquêtes ont montré que le secteur britannique des services avait fortement ralenti en septembre, suscitant une vive inquiétude quant à l’état de récession de l’économie britannique avant le départ prévu du Royaume-Uni de l’UE fin octobre.
Fort manque de visibilité sur l’investissement et la demande en 2020
Les prochaines publications des résultats des entreprises pour le troisième trimestre vont nous renseigner sur les perspectives des entreprises sur la fin de l’année et le début de 2020. Le scénario qui ne serait pas très favorable est que les publications du T3 soient bonnes, reflétant le gonflement des stocks en prévention de la hausse des tarifs douaniers. Dans cette hypothèse, la croissance du quatrième trimestre sera très faible. Cette problématique risque de durer car il n’est pas certain qu’une issue positive ne sorte avant les élections américaines. La Maison Blanche souhaiterait effectivement un accord avec la Chine pour récupérer des voix avant les élections de 2020. Mais un accord doit passer par le Congrès et les députés ne sont pas disposés à conclure avec la Chine sans concessions majeures. On doit ainsi rappeler que l’accord États-Unis-Mexique-Canada, convenu il y a plus d’un an pour remplacer Nafta, est toujours en discussion à l’Assemblée législative. Si cet accord « simple » n’a pas été signé, pourquoi croirait-on qu’un accord est en cours avec la Chine, étant donné le climat de méfiance actuel et les luttes politiques ? Cela entraîne une extrême incertitude et pousse les entreprises à réduire leurs dépenses en investissement. Cette réduction des dépenses en capital créé un excédent d’épargne global qui s’est dirigé vers le marché obligataire, expliquant aussi l’effondrement des taux d’intérêt.
La publication des résultats pourrait amener quelques surprises négatives.
Les marchés réagissent négativement à l’accumulation des risques mondiaux, allant de chiffres de l’industrie manufacturière faibles et médiocres un peu partout dans le monde aux données américaines sur l’emploi et aux craintes géopolitiques depuis la décision de l’administration Trump d’imposer des droits de douane à l’Europe. Les craintes de récession deviennent réalité et le salut ne peut désormais venir que d’un rebond provenant de la géopolitique. La contagion de la récession industrielle au consommateur serait le pire des scénarii mais on peut aussi penser que ces mauvais chiffres vont obliger Trump à aller vers une négociation avec la Chine. Celles-ci devraient reprendre cette semaine et des rumeurs américaines avancent l’idée qu’il pourrait y avoir des nouvelles positives. Une résolution de la guerre commerciale serait une énorme bouffée d’oxygène pour les Etats-Unis dont l’économie pâtit de ce conflit. Si une reprise des marchés actions à la faveur de ces éléments plus positifs se poursuit, les taux ne devraient pas remonter puisque le marché a ancré une nouvelle baisse des taux par la Fed fin octobre.
Les publications des entreprises vont donner un autre signal important concernant les résultats du troisième trimestre. Cela nous amène à réitérer un message de prudence car même si le dernier mouvement de baisse pourrait justifier un rebond technique comme celui de la fin de semaine, le risque lié à la qualité de ces publications est élevé. Ainsi le fabricant d’ordinateurs et d’imprimantes HP a chuté de 9% après avoir annoncé jeudi un vaste plan de restructuration, qui va conduire à la suppression de 9.000 emplois sur les 55.000 que compte l’entreprise, pour devenir une entreprise plus numérique et orientée vers les services.
Source : Lettre hebdomadaire n°88, lundi 7 octobre 2019 – Jean-Noël VIEILLE – Chief Economist HPC membre du Groupe OTCex
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