Les marchés reprennent confiance et négligent les facteurs politiques négatifs !
Semaine boursière au final un peu surprenante suite aux aléas de la semaine précédente et de la forte remontée des risques politiques. Les marchés ont relégué au second plan les inquiétudes liées à la montée du protectionnisme aux Etats-Unis et le résultat très problématique des élections italiennes n’a pas inquiété les investisseurs européens. Le FTSE MIB, indice de la Bourse de Milan a pris le chemin de la baisse, reculant de 0,42% le lendemain des élections pour s’apprécier ensuite de 4,2% lors des quatre séances suivantes. La Bourse italienne est donc plus haute après un résultat peu favorable pour l’Italie puisque la constitution du nouveau gouvernement va prendre du temps et difficile aussi pour l’Europe puisque cette élection renforce le camp des eurosceptiques. L’écart des taux à 10 ans entre l’Italie et l’Allemagne est également un peu plus faible.
Nous devons nous interroger sur les mouvements boursiers depuis ce début d’année : poursuite de la dynamique haussière de 2017 en janvier, forte secousse en février suite à la remontée de l’inflation US et à l’accentuation des risques politiques, et dans un dernier temps reprise de la hausse comme si le marché se décidait à ne plus intégrer ces facteurs de risques. La justification de cette reprise pourrait s’expliquer par la qualité non contredite de la croissance économique mondiale et de la certitude des investisseurs d’une remontée des taux d’intérêt modérée et progressive.
La semaine a donc été marquée par un fort mouvement de reprise : +2,88% pour l’Eurostoxx50, +2,68% pour le CAC 40 et +3,63% pour le DAX (remontée des valeurs cycliques). Les marchés américains sont aussi repartis à la hausse ; le Dow Jones affiche une forte reprise de +3,25% et le Nasdaq a progressé de +4,17% profitant toujours de situations très favorables de certaines valeurs technologiques.
Vers une prochaine hausse des taux de la Fed
Les créations d’emplois US publiées ce vendredi ont retrouvé une dynamique haussière, +313 000 en février après +239 000 en janvier, soit un des chiffres les plus élevés au cours des deux dernières années. La hausse des salaires s’établit à +2,6% après +2,8% en janvier. Le taux de participation est remonté à 63,0% vs 62,7% en janvier, ce qui explique que le taux de chômage est resté stable à 4,1%, au sens plus large, le taux de chômage serait de 8,2%. Les investisseurs ont ainsi interprété l’ensemble de ces chiffres plutôt très positivement jugeant que la remontée du taux d’inflation et donc des taux souverains sera très graduelle dans un contexte de croissance économique soutenue. Finalement l’interprétation de ces données a été inverse à celle de janvier même si ces éléments devraient justifier une action de la FED dès la réunion du 21 mars et nous restons toujours sur une hypothèse de 4 hausses des taux en 2018 aux Etats-Unis. Plusieurs membres dovish (favorable au maintien d’une politique monétaire accommodante), notamment Lael Brainard et Raphael Bostic ont confirmé la probabilité d’une hausse graduelle des taux directeurs à mesure que le cycle économique se poursuit.
Les facteurs de soutien restent multiples et confirment que la croissance US doit se stabiliser à des niveaux proches de +2,5% et que l’inflation oscillera autour de l’objectif de 2% au cours des prochains trimestres. Ceci devrait être pris en compte au moment de la mise à jour des prévisions de la Fed en mars, et notamment à travers la publication des « dots » certainement en hausse (estimations par les membres de la Fed des hausses de taux directeurs à venir).
Ce qui est également impressionnant est que le marché n’a pas du tout intégré le fait que les mesures protectionnistes de Trump pourraient remettre en cause cette dynamique de croissance. Prenant l’argument que c’était une question de sécurité nationale, le président américain a acté jeudi l’instauration de droits de douane à l’importation de 25 % sur l’acier et de 10 % sur l’aluminium. Ces mesures devraient être opérationnelles dans quinze jours avec la possibilité que certains pays soient exemptés comme le Mexique et le Canada, en raison de l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena). Pour l’Union Européenne, les pertes potentielles sont évaluées entre 2 et 2,5 Md$. A priori, ces mesures ne devraient donc pas avoir beaucoup d’influence sur la croissance mondiale, d’où une absence de réaction du marché, sauf si une escalade des représailles aboutissait à des mesures protectionnistes de grande ampleur. La stratégie protectionniste de la Maison-Blanche est d’abord une logique électoraliste. La réforme fiscale n’a pas donné l’avantage escompté aux Républicains dans les intentions de vote pour les prochaines élections de novembre prochain. En argumentant sur l’aspect très inégalitaire de cette réforme, les Démocrates sont sortis renforcés. Il est donc important que Donald Trump remobilise son électorat plutôt rural. Les données régionales sur l’emploi montrent d’ailleurs que la reprise économique bénéficie aux grandes villes et le reste du territoire souffre de la concurrence internationale. En allant ainsi dans le sens du protectionnisme Donald Trump retrouve les idées de sa campagne électorale et espère ainsi avoir l’appui des couches populaires. Il s’agit aussi d’une stratégie de communication et les marchés ne croient pas véritablement à la mise en place sur le long terme d’une stratégie fort peu « pro-business », alors que c’est généralement le qualificatif attribué à Trump. Il y a là manifestement une partie de bluff qui commence.
La BCE veut aussi normaliser sa politique monétaire
Jeudi 8 mars, à l’issue de sa réunion, la BCE a publié un communiqué où elle confirme qu’elle ne s’interdira pas de prolonger ses rachats de dettes publiques et privées (poursuite du quantitative easing). En ce moment, la BCE achète 30 Md€ par mois de dettes et ce jusqu’en septembre de cette année mais la seule nouveauté est qu’elle a supprimé l’hypothèse où elle pourrait en augmenter le volume. Ceci tend donc à confirmer une certaine confiance et sérénité par rapport à la croissance économique attendue en Europe. En revanche, en cas de choc économique qui ferait replonger la croissance européenne, l’institution n’hésitera pas à augmenter le volume du QE en cas de nécessité. La BCE continue donc à rassurer les marchés et cela a encore une fois plutôt très bien fonctionné. Néanmoins ceux qui scrutent en détail les communiqués ont bien compris que le signal de Draghi était clairement comme la Fed, celui d’un retour à la normale de sa politique. Elle essaie aussi de déconnecter le QE des perspectives d’inflation, toujours très faibles en Europe à la différence des Etats- Unis. La BCE tente de modifier son » guidage des anticipations » (forward guidance), c’est-à-dire sa communication envers les marchés, essentielle à la réussite de ses décisions. Cette nouvelle stratégie de communication poursuit aussi un autre objectif, celui de ne pas faire trop monter l’Euro, facteur défavorable pour le tissu industriel européen et surtout pour les entreprises exportatrices.
Retour de la hausse mais ne sous-estimons pas le risque de certaines bulles !
Sur la semaine, d’un point de vue sectoriel, les valeurs pétrolières et les valeurs cycliques ont rebondi en raison d’une nouvelle progression des cours du pétrole à plus de 65$ le baril et d’une volonté des investisseurs à aller rechercher davantage de risques. A l’inverse, on constate une sous performance des secteurs offrant des dividendes élevés comme l’immobilier, l’assurance, les services aux collectivités et le secteur des télécoms.
Si se confirme un retour à une forme de rationalité, nous restons comme beaucoup favorables à la poursuite de la hausse des actions en Europe. La Bourse américaine qui pourtant voit ses indices boursiers poursuivre une tendance haussière, nous semble être dans les prochains mois en situation plus délicate. Il y a manifestement un problème politique et on peut douter de la victoire de Trump lors des élections de mid term en novembre. La hausse des taux aura sur 2019 un effet limitatif sur la croissance américaine et la plupart des valorisations nous semble être de plus en plus difficile à justifier dans un contexte de haut de cycle économique. Ainsi est-il logique de payer Google 23 fois ses résultats 2018 (valeur boursière de 807 Md$, aucun analyste financier ne recommande de vendre le titre, 34 sont à l’achat et 7 sont à conserver !) ? Facebook vaut 543 Md$ et se paie 21 fois les résultats 2018 (43 analystes sont à l’achat, 3 à conserver et 2 recommandent la vente. Enfin Amazon vaut 764 Md$ et se paie 90 fois les résultats 2018 et 35 fois ceux de 2021. Ceci n’empêche pas 48 analystes d’être à l’achat sur ce titre, seuls 2 sont à conserver et 1 recommande de vendre. Tout ceci est-il bien raisonnable ?
Source : Lettre hebdomadaire n°20, lundi 12 mars 2018 Jean-Noël VIEILLE – Chief Economist HPC membre du Groupe OTCex
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