Le consommateur américain a sauvé le soldat virtuel Trump

septembre 2019

En ce mois d’août, les marchés ont connu une fébrilité mais les derniers jours ont été marqués par une dynamique haussière liée à la confirmation d’une croissance américaine toujours favorable portée par les ménages et par des promesses de reprise des négociations commerciales entre la Chine et les Etats- Unis. Les incertitudes restent élevées et pèsent sur le climat des affaires et les investisseurs maintiennent une aversion pour la prise de risques. Trump poursuit ses pressions concernant la hausse des tarifs douaniers pour les produits importés, avec la Chine en ligne de mire et même l’Europe. L’économie mondiale montre des signes de ralentissement, mais n’est pas encore en récession. Si l’investissement productif est en phase de ralentissement aux Etats-Unis, la vigueur de la consommation soutient le produit intérieur brut, la consommation représentant plus de 70% de l’économie américaine. Les ménages voient ainsi leurs revenus augmenter et le coût de leur dette hypothécaire diminue. Le taux d’épargne peut même progresser dans un contexte d’endettement plutôt maitrisé. L’absence d’inflation est aussi un élément très favorable pour la consommation des ménages. Ainsi d’après les chiffres publiés le 29 août, la croissance US faiblit mais reste à +2%, avec une consommation des particuliers en progression de 4,7 %, et même d’environ 9 % pour les achats de biens durables comme les automobiles ou l’équipement de la maison. Ces données ne doivent pas cacher une face plus négative, à savoir des entreprises qui investissent peu et des exportations qui chutent de près de 6%. Ainsi Trump a redonné du pouvoir d’achat aux salariés mais n’a pas réussi à faire des Etats-Unis une industrie exportatrice. Sa logique de guerre commerciale fait que les entreprises américaines ont de plus en plus de difficultés à exporter. Il est assez difficile de croire que le sauvetage de l’économie par le consommateur américain va perdurer longtemps et la perspective d’une récession en 2020 n’est plus totalement exclue. Trump, inquiet pour sa réélection, imagine ainsi de nouvelles baisses d’impôt pour les classes moyennes et tente de maintenir la Fed sous pression pour que cette dernière poursuive sa politique de faibles taux d’intérêts.
Sur la semaine, l’ensemble des places boursières a évolué de façon très positive, permettant à la performance du mois d’août de revenir proche de l’équilibre. L’Eurostoxx50 a progressé de +2,77%, le CAC de +2,88% et le DAX à +2,82%. Le Dow Jones affiche également une forte progression de +3,02% et le Nasdaq de +2,72%. Enfin, le Nikkei est resté stable sur la semaine.

L’interminable feuilleton des discussions sino-américaines se poursuit

Au-delà des bons chiffres économiques américains, les marchés ont aussi été soutenus par l’annonce par Pékin de nouvelles discussions concernant la guerre commerciale avec les Etats-Unis. Gao Feng, porte-parole du ministère chinois du Commerce a ainsi déclaré qu’il espérait que les États-Unis annuleraient les droits de douane supplémentaires décidés par Trump, ce dernier les confirmant ce dimanche. Les marchés ont interprété ce commentaire comme le signe que Pékin cherchait à éviter une escalade des tensions commerciales. Le président américain Donald Trump a aussi déclaré jeudi à Fox News, sa chaine favorite, que de nouveaux entretiens avec des responsables chinois étaient prévus, sans donner plus de détails. « La Chine veut conclure un accord », a déclaré le président. La rationalité voudrait qu’à la lumière des derniers données économiques américaines, Trump n’ait guerre d’autres choix que d’aller vers un accord en raison des difficultés de sa réélection si les Etats-Unis entraient en récession. Mais pour obtenir un accord il lui faudra aussi faire des concessions et cela n’est pas vraiment ni dans son tempérament, ni dans sa feuille de route. En d’autres termes, il est délicat de faire des pronostics sur la sortie de cette guerre commerciale, élément pourtant déterminant de l’évolution à court terme des marchés financiers. Cette sortie de crise pourrait aussi être contrariée à cause de l’évolution de la situation à Hong Kong puisque la Chine soupçonne fortement les Etats-Unis d’aider les mouvements de protestation de rue afin d’affaiblir Pékin.

Retour en force de la problématique du Brexit !

Les marchés européens et britanniques seront sur leurs gardes dans les prochains jours. Boris Johnson s’est engagé à accélérer le rythme des négociations à Bruxelles afin de conclure un nouvel accord sur le Brexit et il tente d’éviter une défaite face aux députés travaillistes et conservateurs pro-européens à Westminster la semaine prochaine. L’ancien Premier ministre John Major s’est joint à la bataille vendredi pour bloquer la « prorogation » du parlement, c’est-à-dire la suspension des deux Chambres, (Communes et Lords) pour 5 semaines, ce qui réduit la marge de manœuvre des élus pour débattre d’un nouvel accord avec Bruxelles. L’onde de choc est forte dans le camp des républicains et Boris Johnson a certainement présumé de ses forces et a sous-estimé la réaction de l’ensemble des députés face à ce déni de démocratie. Quelles peuvent être désormais les issues ? C’est une forte période d’incertitudes qui s’ouvre pour la Grande Bretagne avec des conséquences très négatives pour l’économie et pour la monnaie. Schématiquement, Boris Johnson va renégocier un accord de sortie avec les 27 et deux réponses sont possibles : Bruxelles accepte ou refuse. Premier cas simple, Bruxelles refuse et le Royaume-Uni quitte l’UE sans accord le 31/10/2019. Si Bruxelles accepte un accord, le parlement britannique sera consulté et si ce dernier accepte, le Royaume-Uni quittera l’UE avec un accord à la même date mais si le parlement vote contre, il restera encore trois possibilités : un nouveau report, une annulation du Brexit ou l’organisation d’un nouveau referendum. Dans les prochains jours le parlement a encore la possibilité de demander un vote de confiance qui en cas de défiance contraindrait Boris Johnson à la démission, ce qui pourrait provoquer de nouvelles élections et un report du Brexit. La lisibilité est loin d’être une évidence d’autant que l’Europe n’est pas prête à faire beaucoup de concessions à la Grande-Bretagne et les enjeux de politique interne reprennent le dessus.

Faible croissance en France et signes de récession en Allemagne

Concernant la situation économique française, la croissance reste faible 0,3 % entre avril et juin mais meilleure que prévu. On constate une faiblesse de la consommation alors que le gouvernement n’a pas hésité depuis un an à lâcher plusieurs dizaines de Md€ en cadeaux fiscaux, primes et réductions de charge pour augmenter le pouvoir d’achat des ménages. Ces derniers, inquiets préfèrent épargner. La bonne nouvelle tient au comportement des entreprises puisque ces dernières investissent, misant sur une amélioration de la conjoncture. L’évolution du taux de chômage a été rassurant puisque ce dernier s’est établi à 8,5% à fin juin, son plus bas niveau depuis 10 ans.
En Allemagne, la situation est encore moins brillante. Au deuxième trimestre, l’économie allemande s’est contractée de 0,1 %, après avoir progressé de 0,4 % sur les trois premiers mois de l’année. Avec celle du troisième trimestre 2018 ( -0,1 %), il s’agit de la première baisse du PIB enregistrée depuis début 2015. Elle confirme les difficultés dans lesquelles le moteur de la croissance européenne s’enlise depuis plusieurs mois en raison du ralentissement du commerce mondial. Cette contraction tient aux spécificités du modèle allemand, dépendant des exportations qui pèsent pour près de la moitié du PIB.

La baisse des taux amortit l’affaiblissement des résultats des entreprises

La dépendance des marchés à l’évolution du conflit commercial entre les Etats-Unis et la Chine est très élevée. Plus globalement, l’échelle des risques progresse avec une situation complexe à Hong Kong, en Grande Bretagne et un ralentissement économique modéré aux Etats-Unis et plus élevé en Europe. La courbe des taux confirme l’inquiétude des marchés, le 30 ans américain ayant touché les 2%. Les taux en zone Euro s’inscrivent de plus en plus dans le négatif jusqu’à 30 ans en Allemagne. Dans ce contexte, l’or retrouve son rôle de valeur refuge. Les profits des sociétés américaines accélèrent leurs révisions à la baisse sur 2019 et 2020, de même que ceux des sociétés européennes. La baisse des taux compense pour l’instant la faiblesse des profits, ce qui ne rend pas encore les marchés financiers surévalués.
En conclusion, seule une accalmie des tensions commerciales peut constituer une opportunité d’investir dans les cours actuels, sinon c’est l’hypothèse de récession mondiale qui l’emportera.

 

Source : Lettre hebdomadaire n°83, lundi 2 septembre 2019 – Jean-Noël VIEILLE – Chief Economist HPC membre du Groupe OTCex

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